Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 157 )

ne peuvent avoir qu’une autorité précaire et que se dissipant un jour, elles abandonnent dans une nudité ridicule tout cet échafaudage moral dont elles déguisoient la subversion.

Sans le bonheur qui la rend juste et nécessaire, la moralité de nos actions n’est plus qu’une chimère que nous respectons par erreur ou par contrainte, que nous méprisons dès que nous sommes désabusés et que nous désavouons hautement si nous nous sentons assez forts.

Pour gouverner les hommes sans les rendre heureux, il étoit indispensable de les tromper, et les moyens religieux étoient les plus puissans. Mais la vérité seule est vraiment durable ; l’imposture dut toujours craindre d’être refutée ; car voici à peu près ce qu’elle put dire.

Peuples que la nature déprave et que la raison égare, cessez d’écouter des penchans que l’Éternel vous donna pour vous séduire, et de suivre les désirs que vous suggère d’accord avec lui, et pourtant contre lui, l’ennemi toujours subsistant du maître absolu de toutes choses. Revenez de cette confiance qu’entretiennent tous ces amis de la sagesse qui vous perdent, et voyez l’abîme que la bonté suprême tient toujours ouvert sous vos pas afin de vous