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Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/166

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de tous les cœurs. Environnés de ruines, ministres de haines, de terreurs, de ténèbres, ils se sont dits les organes du dieu d’amour et de vérité.

Nos besoins réels et dès-lors nos besoins sentis étoient bornés : c’est en les étendant imprudemment dans l’indéfini qu’on a fait naître cette attente illimitée que maintenant l’on affecte de donner pour preuve d’une destination supérieure à la vie terrestre. D’où viendrait à l’habitant de la terre le besoin de ce que la terre ne contient point, et à des organes éphémères des conceptions éternelles. Mais, a-t-on dit, les lois seront insuffisantes si l’on n’admet[1] un Dieu qui observe quand les regards des hommes ne peuvent atteindre, qui peut encore punir quand on échappe aux vengeances humaines, et qui, commandant par les remords, ôte l’espoir de les étouffer et le dangereux courage de les mépriser. Ainsi en s’écartant des indications de la nature, on s’est vu autorisé à consacrer des erreurs qui, outre les maux qu’elles produisent, seroient déjà funestes à l’ordre social par cela seul qu’elles

  1. Ce que l’on croit nécessaire pour l’homme civilisé tel qu’il est, seroit du moins très-superflu pour l’homme civilisé tel qu’il pourroit être.