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d’extension ; mais dans la sphère indéfinie des possibles, il s’égarera bien plus encore, : c’est-là principalement qu’il doit se circonscrire et s’imposer des lois.

S’il peut supposer des êtres imaginaires, si même il peut quelquefois donner l’existence à ces enfans de son imagination lorsqu’elle les a formé de parties harmoniques, et qui n’attendoient qu’une main qui les assemblât, c’est par-là surtout qu’il étend ses relations bien plus que ses forces, et sa dépendance bien plus que son empire ou ses plaisirs. C’est par son imagination qu’il a reçu le plus de moyens de modifier son être : de toutes ses facultés, elle est la plus active, la plus illimitée et la plus avide dans ses conceptions, mais la plus impuissante pour en réaliser les objets. C’est dans cette source toujours plus abondante de sensations nouvelles, qu’il trouvera quelques biens et des maux sans nombre. C’est-là surtout que le choix importe ; il lui vaudroit mieux mille fois tout rejeter que de tout admettre, et négliger quelques avantages plus spécieux qu’utiles, que de s’asservir à tant de besoins que le cours naturel des choses ne sauroit jamais satisfaire, et dont l’infaillible effet sera le mépris des choses réelles et le dégoût de la vie.

Les terreurs imaginaires, les puissances in-