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de l’existence des corps, mise en problème par un petit nombre de sophistes qu’ont écouté seulement ceux qui se plaisoient à ces étonnantes subtilités ; mais l’antiquité toute entière, barbare ou civilisée, ignorante ou savante, simple ou profonde[1], croyoit la matérialité des esprits. Si l’on n’eût fait descendre du ciel l’opinion naissante de la spiritualité pure ; si on ne l’eût donné comme une vérité éternelle et sacrée, elle fût restée dans la classe nombreuse des hypothèses hasardées que l’enthousiasme soutient un jour, mais qu’une raison impartiale ne juge que comme des rêves philosophiques.

La pensée, dit-on, ne peut être matérielle parce qu’elle ne peut avoir les attributs des corps, être étendue, divisible, et que nous

  1. Quelques modernes ont voulu s’autoriser du sentiment de la sage antiquité comme d’un fait très-important à l’appui de leur système ; mais leurs efforts mêmes ont prouvé qu’il étoit au moins douteux : et des recherches plus judicieuses et faites sans une prévention aveugle ou insidieuse, ont convaincu que Platon même et les docteurs vantés des premiers âges du christianisme, n’entendoient par esprit qu’une matière subtile, et que l’incorporel, selon eux, n’étoit nullement immatériel. Voyez Bayle, d’Argent, etc.