Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 241 )

jouir, que parmi ceux qui ne peuvent que souffrir. L’étude du cœur de l’homme produit des données pour la théorie de l’univers. Si la félicité de l’être sensible n’est pas dans l’absence absolue du mal, l’optimisme est réfuté, le voile de la nature paroît levé, et l’intelligence universelle seroit elle-même justifiée.

On a avancé qu’un seul élément principe pouvoit expliquer la nature. Mais comment un élément peut-il se modifier ? Si les moyens sont semblables ? comment les produits sont-ils différens ? Si la matière fut primitivement homogène, comment est-elle devenue hétérogène ? « La raison ? ajoute-t-on, nous dit que tout fut originairement homogène, et nos sens nous apprennent que rien ne l’est aujourd’hui ; mais ce n’est que par la voie du mélange que les corps ont pu passer de l’homogénéité à l’hétérogénéité apparente qui nous fait illusion ». Comment le mélange de corps homogènes a-t-il pu altérer leur homogénéité ; ou si elle n’est point altérée, comment s’opère cette apparence qui n’étoit pas avant le mélange, puisque l’on suppose que le mélange l’a pu seul produire ?

Je veux que la nature soit une dans ses fins y ou plutôt dans son résultat, dans son ensemble ; mais je ne pense pas qu’elle soit