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verra, si l’on y regarde bien, que cette liberté de la vie n’est que le pouvoir de suivre l’ordre de choses qui nous convient le plus, et de décider une fois ce qu’il nous importera de choisir toujours, chose que nous avons en effet bien le droit de décider[1].

Il s’ensuivroit que la liberté civile elle-même ne seroit que le pouvoir d’être tel qu’il conviendroit le mieux à notre nature. Ce qui expliqueroit comment, malgré tous les préjugé de la politique, on n’est libre qu’avec de bonnes institutions ; comment il se peut que l’on soit libre accidentellement sous un despote ; comment la vie privée est ordinairement si assujettie dans les pays libres comment cet assujettissement lui-même peut être la liberté ; et même comment la liberté inaliénable de l’homme

  1. Sans les lieux où de choix entraîneroit trop d’inconstance ou d’irrésolutions, et de desirs trop vagues et trop ambitieux, il pourroit arriver que l’exercice de ce droit naturel rendit moins heureux que les suites de les institutions qui l’ôteroient.

    Chaque consideration nouvelle m’amène toujours à condamner ce qui résulte généralement des grandes sociétés ; car que pourroit-on attendre de convenable et d’heureux pour l’homme là où les lois de sa nature, et ses droits les plus inaliénables, sont presque tous criminels ou mêmes funestes ?