Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/261

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s’accorde très-bien avec sa dépendance nécessaire et de l’influence des choses et de ses propres impulsions.

Quoi ! vous ne sentirez jamais vous par qui les formes sociales se modifient, ou se maintiennent, vous ne sentirez jamais qu’il est contradictoire que tous se consacrent à un avantage qui ne soit pas celui de tous ; qu’il est illusoire que les passions ambitieuses conduisent à la félicité, puisqu’elle n’est que dans l’équilibre et le repos du cœur ; qu’il est absurde que le sort de chaque individu dépende des caprices de tant de milliers d’hommes qui ne savent pas s’il existe ; qu’il est absurde qu’un ministre adroitement perfide et profondément inhumain, dévaste l’Europe pour la gloire du ministère de son pays, ou qu’une spéculation de quelques marchands du Zuider-Sée[1]asservisse les nations africaines, et porte la désolation sous le beau ciel de l’Inde, ou la stérilité dans

  1. On peut voir dans Raynal, et ailleurs, tout ce que ce sont permis les Hollandais pour détruire chez les Indiens certaines épices, dont ils vouloient faire une récolte exclusive dans les îles qu’ils avoient envahies. On y peut voir aussi toutes les guerres, les injustices, les ravages, produits par le commerce, ce célèbre lien des peuples.