Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 270 )

que toujours il sache le vrai, mais parce qu’il n’affirme que ce qu’il sait certainement.

Je cherche à quel homme il appartient d’entendre la nature, d’approfondir le cœur humain, de déterminer les formes sociales.

Il n’est qu’un objet digne d’un cœur généreux, d’une grande ame, d’un vaste génie. Tout être animé dirige ses facultés à l’amélioration de son sort. Cette fin est la seule raison particulière de son être, la seule qui lui soit connue, et qu’en effet il lui importe de connoître. L’individu uni à l’espèce par ses propres besoins, obéit à cette tendance en la servant. Parmi les hommes, le sort de chacun plus dépendant de celui de tous et les sentimens plus communiqués et plus expansifs, font avec plus d’étendue, de l’intérêt général l’intérêt particulier, et du bien de tous, la loi de chacun. Tout homme social doit à ses semblables l’emploi de ses facultés ; si elles sont bornées, elles ne servent que ceux qui l’entourent ; si ses talens sont vastes, leur utilité s’étend dans une sphère moins limitée ; si ses moyens sont sublimes, le bien du genre humain devient son objet. En vain le sage chérit la paisible obscurité ; il doit à la foule qu’il peut guider, ses pensers profonds et son