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Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/304

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La situation romantique du château de Chillon sur le lac de Genève, pourroit être comparée à celle de l’île St.-Pierre. Une eau plus vaste et non moins belle, les Hautes-Alpes plus rapprochées, l’aspect sauvage des rocs de Meillerie et de St.-Gingouph en font un lieu plus imposant encore, mais non pas plus touchant. Chillon est trop voisin du rivage et de la grande route d’Italie ; on est trop près des hommes. Ce château isolé sur un roc étroit, ne peut suffire à ses habitans et perpétuer leur indépendance ; c’est une retraite séduisante et non pas un asile pour le bonheur.

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Les dénominations des choses ne sont point de vains sons indifférens à leurs effets. Les mots, en exprimant des pensées, en rappelant des souvenirs, intéressent nos cœurs et influent sur leurs affections ; ils entraînent nos volontés comme notre pensée ; il en est que l’on ne sauroit entendre sans une émotion profonde ; d’autres, plus étonnans, semblent affoiblir les objets et nous les rendre indifférens. Les uns ridiculisent les choses qui nous passionnoient, arrêtent nos vices, ou détériorent nos mœurs ; les autres élèvent nos con-