Vie de l’homme. Vanité et incertitude de ses causes, de sa destination, de ses biens, de ses vertus. Vanité de tout son être considéré dans le système des moralistes. Animé par le seul intérêt personnel, soutenu par la seule illusion, il n’est réellement entraîné que par le cours mécanique de l’univers.
Ce n’est point dans l’histoire de quelques générations que l’on peut lire ce qui convient vraiment à l’homme ; il faudroit plutôt consulter ce qui est resté dans nous à la nature.
Il faut des sensations profondes aux hommes organisés pour sentir, profondément ; ils sont fréquemment réduits à l’état de suspension et d’apathie. Nous souffrons nécessairement, nous ne sommes point selon notre nature, lorsqu’il y a opposition entre les objets du dehors et notre situation intérieure. Dans des lieux sauvages le solitaire trouve des moteurs dans les objets inanimés. Les pins renversés, le vent des montagnes, la feuille détachée d’un hêtre, le roc miné par l’effort séculaire des frimats, de la végétation et des ondes ; le silence ou le mouvement, la vie ou les ruines, tout l’entraîne et le modifie ; il n’existe plus individuellement et isolé ; mais il participe de la situation et des altérations de tout ce qui l’entoure.