Il n’est pas deux effets semblables dans la nature : nous ne saurions être affectés deux fois d’une manière vraiment égale ; ainsi, la rêverie la plus abandonnée ne peut reproduire la même série d’idées dans son cours involontaire. Il n’est pas besoin, pour être émus d’une manière toujours nouvelle, de passer des bords d’un paisible canal au sommet des monts dépouillés par les orages, ou du pâle couchant de la lune, à l’éclat des feux du midi. Dans le même site, les peupliers ne seront pas aujourd’hui balancés par les vents, de même qu’ils l’étoient hier ; le cri nocturne
déplace et presse des parcelles de fruits séchés, ou d’autres préparations presqu’indifférentes au goût et lentes à dissoudre ? Ce mouvement, convenable par sa lenteur et sa facilité, a même sur les autres l’avantage de ne pas devenir fatiguant par sa durée, de n’être pas interrompu involontairement, et d’agîr sur nos sens d’une manière qui, tenant à nos premiers besoins y satisfait mieux celui du mouvement. Il n’est point de considérations indifférentes dans les raisons des choses, et rien de petit dans ce qui interprète la nature. Celui-là est fait pour la sentir toute entière, qui éprouvera tout ce que peut produire ce moyen si foible en apparence, (et que beaucoup trouveront puérile :) celui-là est né pour la connoître, qui en entendra bien les causes.