Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/71

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des hibous ne sera pas autant de fois répété dans les rochers caverneux ; le ruisseau précipite ses ondes d’une manière qui nous paroît semblable, mais le soleil ne donne plus d’éclat à la blancheur de ses vagues écumeuses ; le cygne, qui nage dans ses remoux, a fait fuir le poisson qui s’y jouoit hier ; et l’églantier, qui penchoit ses fleurs sur sa rive, a perdu leurs pétales desséchées sur son gravier stérile ou emportées par ses eaux. Le soleil vient à luire dans le vallon, c’est une solitude charmante ; un nuage épais l’obscurcit un moment, c’est un triste désert. Le chant d’un oiseau suffit pour animer la contrée, et le plus léger souffle des airs a changé pour nous la nature ; tout est mu et tout est moteur à son tour : tout se succède, tout change ; mais rien n’a passé en vain, tout a été senti, excepté par l’homme altéré, aliéné dans sa vie factice.

L’homme qui s’est moins séparé du reste des êtres, et qui a conservé des habitudes moins étrangères à sa première nature, vit dans un état analogue à la situation générale de tout ce qui change et se reproduit.

Moins emporté par les passions, moins consumé par les sollicitudes sociales, il reçoit ses changement des causes naturelles ; il est ce