Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/76

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automnale des feuilles jaunies, et ce vêtement de la nature déjà flétrie, convient mieux à l’habitude des rêveries profondes et des pensers amers.

Douce et mélancolique automne ! saison chérie des cœurs sensibles et des cœurs infortunés, tu conserves, tu adoucis le sentiment triste et précieux et de nos pertes et de nos douleurs ; tu nous fais reposer dans le mal même, en nous apprenant à souffrir facilement, sans résistance comme sans amertume. Tes ombres, tes vapeurs, tes feux qui s’éteignent, et ce revêtement antique que tu commences à dépouiller ; tout ton aspect délicieux et funèbre attache nos cœurs aux souvenirs des tems écoulés, aux regrets des impressions aimantes. Emus, attristés, navrés, nous t’aimons, nous te bénissons, car tu nous ramènes au charme aimable des illusions perdues, tu reposes à demi le voile consolateur sur nos yeux fatigués d’une imprudente lumière. Douce automne, tu es la saison chérie des cœurs sensibles et des cœurs infortunés !

Tes jours plus courts et ton soleil plus tardif, semblent abréger nos maux en abrégeant nos heures. À travers tes brouillards, portés sur les prairies, l’aurore elle-même