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servée[1], troublée, ou rétablie, fait nos goûts ou notre indifférence ; notre joie ou notre tristesse ; notre confiance ou nos alarmes ; ces tems de bien-être où tout est heureux et désirable, ou ces tems d’ennui où tout est odieux et alarmant ; nos affections ou nos haines ; notre indolence ou notre énergie ; et tout ce que nous éprouvons, et tout ce que nous pensons, et tout ce que nous sommes.

C’est au rétablissement subit de cette harmonie, après une altération longue mais réparable, que nous devons ces momens d’une vie nouvelle où l’activité expansive porte sur tous

  1. L’altération perpétuelle, qui fait de notre vie une succession continue de pertes et de réparations, n’est pas une interruption de cette harmonie ; elle en est au contraire une partie indispensable. La santé, la vie elle-même n’est autre chose que ce cercle de mutations régulières ; et la vie morale n’en est que le sentiment. L’épuisement ou la surabondance fait nos besoins et nos désirs ; les jouissances sont les réparations ou les secrétions ; l’équilibre absolu est un état de nullité sans souffrance comme sans plaisirs. Quand les forces des pertes ou des réparations entraînent trop loin, c’est la douleur et les maladies quand leur impulsion est extrême et ne peut plus être contrebalancée par les forces contraires, c’est la mort, la dissolution.