Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/116

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toi que tu as résolu de ne point passer en vain sur cette terre. Le monde s’avance vers son but. Mais toi, tu t’arrêtes, tu rétrogrades, tu restes dans un état de suspension et de langueur. Tes jours écoulés se reproduiront-ils dans un temps meilleur ? La vie se fond tout entière dans ce présent que tu négliges pour le sacrifier à l’avenir : le présent est le temps, l’avenir n’en est que l’apparence.

Vis en toi-même, et cherche ce qui ne périt point. Examine ce que veulent nos passions inconsidérées ; de tant de choses en est-il une qui suffise à l’homme ? L’intelligence ne trouve qu’en elle-même l’aliment de sa vie : sois juste et fort. Nul ne connaît le jour qui doit suivre : tu ne trouveras point de paix dans les choses ; cherche-la dans ton cœur. La force est la loi de la nature : la puissance c’est la volonté ; l’énergie dans les peines est meilleure que l’apathie dans les voluptés. Celui qui obéit et qui souffre est souvent plus grand que celui qui jouit ou qui commande. Ce que tu crains est vain, ce que tu désires est vain. Une seule chose te sera bonne, c’est d’être ce que la nature a voulu.

Tu es intelligence et matière. Le monde n’est pas autre chose. L’harmonie modifie les corps, et le tout tend à la perfection par l’amélioration perpétuelle de ses diverses parties. Cette loi de l’univers est aussi la loi des individus.


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Ainsi tout est bon quand l’intelligence le dirige ; et tout est mauvais quand l’intelligence l’abandonne. Use des biens du corps, mais avec la prudence qui les soumet à l’ordre. Une volupté que l’on possède selon la nature universelle est meilleure qu’une privation qu’elle ne demande pas, et l’acte le plus indifférent de notre vie est moins mauvais que l’effort de ces vertus sans but qui retardent la sagesse.

Il n’y a pas d’autre morale pour nous que celle du