Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/130

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on reconnaît qu’une des choses les plus nouvelles et les plus utiles que l’on pût faire serait de les prémunir contre des vérités qui les trompent, contre des vertus qui les perdent.

Le mépris de l’or est une chose absurde. Sans doute, préférer l’or à son devoir est un crime ; mais ne sait-on pas que la raison prescrit de préférer le devoir à la vie comme aux richesses ? Si la vie n’en est pas moins un bien en général, pourquoi l’or n’en serait-il pas aussi un ? Quelques hommes indépendants et isolés font très-bien de s’en passer ; mais tous ne sont pas dans ce cas, et ces déclamations si vaines, qui ont un côté faux, nuisent beaucoup à la vertu. Vous avez rendu contradictoires les principes de conduite ; si la vertu n’est que l’effort vers l’ordre, est-ce par tant de désordre et de confusion que vous prétendez y amener les hommes ? Pour moi, qui estime encore plus dans l’homme les qualités du cœur que celles de l’esprit, je pense néanmoins que l’instituteur d’un peuple trouverait plus de ressources pour contenir de mauvais cœurs que pour concilier des esprits faux.

Les chrétiens et d’autres ont soutenu que la continence perpétuelle était une vertu ; ils ne l’ont pas exigée des hommes, ils ne l’ont même conseillée qu’à ceux qui prétendraient à la perfection. Quelque absolue et quelque indiscrète que doive être une loi qui vient du ciel, elle n’a pas osé davantage. Quand on demande aux hommes de ne pas aimer l’argent, on ne saurait y mettre aussi trop de modération et de justesse. L’abnégation religieuse ou philosophique a pu conduire plusieurs individus à une indifférence sincère pour les richesses, et même pour toute propriété ; mais dans la vie ordinaire le désir de l’or est inévitable. Avec l’or, dans quelque lieu habité que je paraisse, je fais un signe ; ce signe dit : Que l’on me prévienne, que l’on me nourrisse, que l’on m’habille, que