Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’on me désennuie, que l’on me considère, que l’on serve moi et les miens, que tout jouisse auprès de moi ; si quelqu’un souffre, qu’il le déclare, ses peines sont finies ! Et comme il a été dit, il est fait.

Ceux qui méprisent l’or sont comme ceux qui méprisent la gloire, qui méprisent les femmes, qui méprisent les talents, la valeur, le mérite. Quand l’imbécillité de l’esprit, l’impuissance des organes, ou la grossièreté de l’âme rendent incapable d’user d’un bien sans le pervertir, on calomnie ce bien, ne voyant pas que c’est sa propre bassesse que l’on accuse. Un homme de mauvaises mœurs méprise les femmes, un raisonneur épais blâme l’esprit, un sophiste moralise contre l’argent. Sans doute, les faibles esclaves de leurs passions, des sots ingénieux, des bourgeois étonnés seront plus malheureux ou plus méchants quand ils seront riches. Ces gens-là doivent avoir peu, parce que, posséder ou abuser, c’est pour eux la même chose. Sans doute encore, celui qui devient riche et qui se met à vivre le plus qu’il peut en riche, ne gagne pas, et quelquefois perd à changer de situation. Mais pourquoi n’est-il pas mieux qu’auparavant ? c’est qu’il n’est pas réellement plus riche : plus opulent, il est plus gêné et plus inquiet. Il a de grands revenus, et il s’arrange si bien que le moindre incident les dérange, et qu’il accumule des dettes jusqu’à sa ruine. Il est clair que cet homme est pauvre. Centupler ses besoins, faire tout pour l’ostentation ; avoir vingt chevaux parce qu’un tel en a quinze, et si demain il en a vingt, en avoir bien vite trente ; c’est s’embarrasser dans les chaînes d’une pénurie plus pénible et plus soucieuse que la première. Mais avoir une maison commode et saine, un intérieur bien ordonné, de la propreté, une certaine abondance, une élégance simple, s’arrêter là quand même la fortune deviendrait quatre fois plus grande, employer le reste à tirer un ami d’embarras,