Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/19

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Ces lettres sont aussi inégales, aussi irrégulières dans leur style que dans le reste. Une chose seulement m’a plu ; c’est de n’y point trouver ces expressions exagérées et triviales dans lesquelles un écrivain devrait toujours voir du ridicule, ou au moins de la faiblesse[1]. Ces expressions ont par elles-mêmes quelque-chose de vicieux, ou bien leur trop fréquent usage, en en faisant des applications fausses, altéra leurs premières acceptions, et fit oublier leur énergie.

Ce n’est pas que je prétende justifier le style de ces lettres. J’aurais quelque chose à dire sur des expressions qui pourront paraître hardies, et que pourtant je n’ai pas changées ; mais quant aux incorrections, je n’y sais point d’excuse recevable. Je ne me dissimule pas qu’un critique trouvera beaucoup à reprendre : je n’ai point prétendu enrichir le public d’un ouvrage travaillé, mais donner à quelques personnes éparses dans l’Europe les sensations, les opinions, les songes libres et incorrects d’un homme souvent isolé, qui écrivit dans l’intimité, et non pour son libraire,

L’éditeur ne s’est proposé et ne se proposera qu’un

  1. Le genre pastoral, le genre descriptif, ont beaucoup d’expressions rebattues, dont les moins tolérables, à mon avis, sont les figures employées quelques millions de fois, et qui, dès la première, affaiblissaient l’objet qu’elles prétendaient agrandir. L’émail des prés, l’azur des cieux, le cristal des eaux ; les lis et les roses de son teint ; les gages de son amour ; l’innocence du hameau ; des torrents s’échappèrent de ses yeux ; contempler les merveilles de la nature ; jeter quelques fleurs sur sa tombe : et tant d’autres que je ne veux pas condamner exclusivement, mais que j’aime mieux ne point rencontrer.