Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/267

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rochers et au bord du glacier. Nous les avons rencontrés. Imaginez une femme et deux enfants heureux. Et tout le reste du jour, je respirais en homme libre, je marchais avec plus d’activité. Mais depuis, le même silence est autour de moi, et il ne se passe rien qui me fasse sentir mon existence.

J’ai donc cherché dans toutes les vallées pour acquérir un pâturage isolé, mais facilement accessible, d’une température un peu douce, bien situé, traversé par un ruisseau, et d’où l’on entende ou la chute d’un torrent, ou les vagues d’un lac. Je veux maintenant une possession non pas importante, mais étendue, et d’un genre tel que la vallée du Rhône n’en offre pas. Je veux aussi bâtir en bois, ce qui sera plus facile ici que dans le Bas-Valais. Dès que je serai fixé, j’irai à Saint-Maurice et à Charrières. Je ne me suis pas soucié d’y passer à présent, de crainte que ma paresse naturelle, et l’attachement que je prends si facilement pour les lieux dont j’ai quelque habitude, ne me fissent rester à Charrières. Je préfère choisir un lieu commode et y bâtir à ma manière comme il convient, à présent que je puis me fixer pour du temps, et peut-être pour toujours.

Hantz, qui parle le roman, et qui sait aussi un peu l’allemand de l’Oberland, suivait les vallées et les chemins, et s’informait dans les villages. Pour moi, j’allais de chalets en chalets à travers les montagnes, et dans les lieux où il n’eût pas osé passer, quoiqu’il soit plus robuste que moi et plus habitué dans les Alpes, et où je n’aurais point passé moi-même si je n’eusse été seul.

J’ai trouvé un domaine qui me conviendrait beaucoup, mais je ne sais pas si je pourrai l’avoir. Il y a trois propriétaires : deux sont de la Gruyère, le troisième est à Vevay. Celui-ci, dit-on, n’a pas l’intention de vendre ; cependant il me faut le tout.