Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/272

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rappellera d’une manière plus présente combien je devrais avoir honte de tant de faiblesses.

J’ai l’intention d’y joindre une note sur certains règlements d’hygiène, sur ces choses d’une habitude individuelle et locale auxquelles je crois qu’on ne met pas assez d’importance. Aristippe ne pouvait guère les prescrire à son disciple imaginaire, ou à ses disciples réels ; mais cette note sera plus utile encore que des considérations générales pour maintenir en moi ce bien-être, cette aptitude physique qui soutient notre âme si physique elle-même.

J’ai deux grands malheurs : un seul me détruirait peut-être ; mais je vis entre deux parce qu’ils sont contraires. Sans cette habitude triste, ce découragement, cet abandon, sans cette humeur tranquille contre tout ce qu’on pourrait désirer, l’activité qui me presse et m’agite me consumerait plus tôt, et aussi vainement ; mon ennui sert du moins à l’affaiblir. La raison la calmerait ; mais, entre ces deux grandes forces, ma raison est bien faible : tout ce qu’elle peut faire, c’est d’appeler l’une à son secours quand l’autre prend le dessus. On végète ainsi ; quelquefois même on s’endort.

LETTRE LXIII.

Juillet, VIII.

Il était minuit : la lune avait passé ; le lac[1] semblait agité ; les cieux étaient transparents, la nuit profonde et belle. Il y avait de l’incertitude sur la terre. On entendit frémir les bouleaux, et des feuilles de peuplier tom-

  1. Rien n’indique quel lac ce peut être ; ce n’est point celui de Genève. Le commencement de la lettre manque, et j’en ai supprimé la fin.