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Ne se pourrait-il point que les plaines couvertes d’un humus élaboré par une trituration perpétuelle donnassent à l’atmosphère des vapeurs plus assimilées au besoin de l’être très-organisé, et qu’il émanât des rochers, des fondrières et des eaux toujours dans l’ombre, des particules grossières, trop incultes en quelque sorte, et funestes à des organes délicats ? Le nitre des neiges subsistantes au milieu de l’été peut s’introduire trop facilement dans nos pores ouverts. La neige produit des effets secrets et incontestables sur les nerfs et sur les hommes attaqués de goutte ou d’un rhumatisme ; un effet encore plus caché sur notre organisation entière n’est pas invraisemblable. Ainsi la nature qui mélange toutes choses aurait compensé par des dangers inconnus les romantiques beautés des terres que l’homme n’a pas soumises.

LETTRE LXXVIII.

Im., 16 juillet, IX.

Je suis tout à fait de votre avis, et même j’aurais dû moins attendre pour me décider à écrire. Il y a quelque chose qui soutient l’âme dans ce commerce avec les êtres pensants des divers siècles. Imaginer que l’on pourra être à côté de Pythagore, de Plutarque ou d’Ossian, dans le cabinet d’un L** futur, c’est une illusion qui a de la grandeur, c’est un des plus nobles hochets de l’homme. Celui qui a vu comme la larme est brûlante sur la joue du malheureux se met à rêver une idée plus séduisante encore : il croit qu’il pourra dire à l’homme d’une humeur chagrine le prix de la joie de son semblable ; qu’il pourra prévenir les gémissements de la victime qu’on oublie ; qu’il pourra rendre au cœur navré quelque énergie, en lui rappelant ces perceptions vastes ou consolantes qui égarent les uns ou soutiennent les autres.