Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/361

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mince estime qu’il a pour vous, et la bassesse dans laquelle il se sent lui-même ? Il vous amuse, il vous entraîne, il vous joue ; il vous prépare la honte et l’abandon. Vous le sentiriez, vous le sauriez ; mais, par faiblesse, par indolence peut-être, vous hasardez l’honneur de vos jours. Peut-être c’est pour l’amusement d’une nuit que vous corrompez votre vie entière. La loi ne l’atteindra pas ; il aura l’infâme liberté de rire de vous. Comment avez-vous pris ce misérable pour un homme ? Ne valait-il pas mieux attendre et attendre encore ? Quelle distance d’un homme à un homme ! Femmes aimables, ne sentirez-vous pas ce que vous valez ? — Le besoin d’aimer ! — Il ne vous excuse pas. Le premier des besoins est celui de ne pas s’avilir, et les besoins du cœur doivent eux-mêmes vous rendre indifférent quiconque n’a de l’homme autre chose que de n’être pas femme. — Ceux de l’âge ! — Si nos institutions morales sont dans l’enfance, si nous avons tout confondu, si notre raison va à tâtons, votre imprudence, moins impardonnable alors, n’est pas pour cela justifiée.

Le nom de femme est grand pour nous, quand notre âme est pure. Apparemment le nom d’homme peut aussi imposer un peu à des cœurs jeunes ; mais, de quelque douceur que ces illusions s’environnent, ne vous y laissez pas trop surprendre. Si l’homme est l’ami naturel de la femme, les femmes n’ont souvent pas de plus funeste ennemi. Tous les hommes ont les sens de leur sexe ; mais attendez celui qui en a l’âme. Que peut avoir de commun avec vous cet être qui n’a que des sens[1] ?

  1. J’ai supprimé quelques pages où il s’agissait de circonstances particulières, et d’une personne dont je ne vois pas qu’il soit parlé dans aucun autre endroit de ces lettres. J’y ai, en quelque sorte, substitué ce qui suit : c’est un morceau tiré d’ailleurs, qui dit à peu près les mêmes choses d’une manière générale, et que son analogie avec ce que j’ai retranché m’a engagé à placer ici.