Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/363

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ils se nourrissent d’erreurs en croyant se nourrir d’estime ; ils se trouvent aimer un homme, parce qu’ils ont aimé la vertu ; ils sont trompés par des misérables, parce que, ne pouvant vraiment aimer qu’un homme de bien, ils croient sentir que celui qui se présente pour réaliser leur chimère est nécessairement tel.

« L’énergie de l’âme, l’estime, la confiance, le besoin d’en montrer, celui d’en avoir ; des sacrifices à récompenser, une fidélité à couronner, un espoir à entretenir, une progression à suivre ; l’agitation, l’intolérable inquiétude du cœur et des sens ; le désir si louable de commencer à payer tant d’amour, le désir non moins juste de resserrer, de consacrer, de perpétuer, d’éterniser des liens si chers ; d’autres désirs encore, certaine crainte, certaine curiosité, des hasards qui l’indiquent, le destin qui le veut, tout livre une femme aimante dans les bras du lovelace. Elle aime, il s’amuse ; elle se donne, il s’amuse ; elle jouit, il s’amuse ; elle rêve la durée, le bonheur, le long charme d’un amour mutuel ; elle est dans les songes célestes ; elle voit cet œil que le plaisir embrase, elle voudrait donner une félicité plus grande ; mais le monstre s’amuse : les bras du plaisir la plongent dans l’abîme, elle dévore une volupté terrible.

« Le lendemain elle est surprise, inquiète, rêveuse ; de sombres pressentiments commencent des peines affreuses et une vie d’amertumes. Estime des hommes, tendresse paternelle, douce conscience, fierté d’une âme pure, fortune, honneur, espérance, amour, tout a passé. Il ne s’agit plus d’aimer et de vivre ; il faut dévorer ses larmes et traîner des jours précaires, flétris, misérables. Il ne s’agit plus de s’avancer dans les illusions, dans l’amour et dans la vie ; il faut repousser les songes, chercher l’oubli, attendre la mort. Femmes sincères et aimantes, belles de toutes les grâces extérieures et des charmes de