Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

concerne[1]. Mais ce vallon, creusé dans le Jura, porte un caractère grand et simple ; il est sauvage et animé, il est à la fois paisible et romantique ; et quoiqu’il n’ait point de lac, il m’a plus frappé que les bords de Neuchâtel, et même de Genève. La terre paraît ici moins assujettie à l’homme, et l’homme moins abandonné à des convenances misérables. L’œil n’y est pas importuné sans cesse par des terres labourées, des vignes et des maisons de plaisance, trompeuses richesses de tant de pays malheureux. Mais de gros villages, mais des maisons de pierre, mais de la recherche, de la vanité, des titres, de l’esprit, de la causticité ! Où m’emportaient de vains rêves ? A chaque pas que l’on fait ici, l’illusion revient et s’éloigne ; à chaque pas on espère, on se décourage ; on est perpétuellement changé sur cette terre si différente et des autres et d’elle-même. Je vais dans les Alpes.

De Thiel.

J’allais à Vevay par Morat, et je ne croyais pas m’arrêter ici ; mais hier j’ai été frappé, à mon réveil, du plus beau spectacle que l’aurore puisse produire dans une contrée dont la beauté particulière est pourtant plus riante qu’imposante. Cela m’a entraîné à passer ici quelques jours.

Ma fenêtre était restée ouverte la nuit, selon mon usage. Vers quatre heures, je fus éveillé par l’éclat du jour et par l’odeur des foins que l’on avait coupés pendant la fraîcheur, à la lumière de la lune. Je m’attendais à une vue ordinaire ; mais j’eus un instant d’étonnement. Les pluies du solstice avaient conservé l’abondance des eaux accrues précédemment par la fonte des neiges du Jura. L’espace

  1. Ceci ne serait pas juste, si on l’entendait de la rive septentrionale tout entière.