Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/398

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celui qui le dit n’a pas tout à fait tort. On serait au moins original si on allait faire lever exprès son portier et courir de grand matin pour entendre les moineaux chanter sur le boulevard ; si on allait s’asseoir à la fenêtre d’un salon, derrière les rideaux, pour se séparer des lumières et du bruit, pour donner un moment à la nature, pour voir avec recueillement l’astre des nuits briller dans le ruisseau de la rue.

Mais dans mon ravin des Alpes, les jours de dix-huit heures ressemblent peu aux jours de neuf heures. J’ai conservé quelques habitudes de la ville, parce que je les trouve assez douces, et même convenables pour moi qui ne saurais prendre toutes celles du lieu ; cependant, avec quatre pieds de neige et douze degrés de glace, je ne puis vivre précisément de la même manière que quand la sécheresse allume les pins dans les bois, et que l’on fait des fromages à cinq mille pieds au-dessus de moi.

Il me faut un certain mauvais temps pour agir au dehors, un autre pour me promener, un autre pour faire des courses, un autre pour rester auprès du feu, quoiqu’il ne fasse pas froid, et un autre encore pour me placer à la cheminée de la cuisine, pendant que l’on fait ces choses du ménage qui ne sont pas de tous les jours, et que je réserve, autant qu’il se peut, pour ces moments-là. Vous voyez qu’afin de vous dire mon plan, je mêle ce qui est déjà pratiqué à ce qui le sera seulement ; je suppose que j’ai déjà suivi mon genre de vie tel que je commence à le suivre en effet, et tel que je le dispose pour les autres saisons et pour les choses encore à faire.

Je n’osais parler des beaux jours. Il faut pourtant le confesser enfin, je ne les aime pas ; je veux dire que je ne les aime plus. Le beau temps embellit la campagne, il semble y augmenter l’existence ; on l’éprouve généralement ainsi. Mais moi, je suis plus mécontent quand il fait