Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/423

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nute encore, je veux ce que je dois, je fais ce que je veux.


Dernière partie d’une lettre sans date connue.

...Que d’infortunés auront dit, de siècle en siècle, que les fleurs nous ont été accordées pour couvrir notre chaîne, pour nous abuser tous au commencement, et contribuer même à nous retenir jusqu’au terme ! Elles font plus, mais aussi vainement peut-être : elles semblent indiquer ce que nulle tête mortelle n’approfondira.

Si les fleurs n’étaient que belles sous nos yeux, elles séduiraient encore ; mais quelquefois ce parfum entraîne, comme une heureuse condition de l’existence, comme un appel subit, un retour à la vie plus intime. Soit que j’aie cherché ces émanations invisibles, soit surtout qu’elles s’offrent, qu’elles surprennent, je les reçois comme une expression forte, mais précaire, d’une pensée dont le monde matériel renferme et voile le secret.

Les couleurs aussi doivent avoir leur éloquence : tout peut être symbole. Mais les odeurs sont plus pénétrantes, sans doute parce qu’elles sont plus mystérieuses, et que, s’il nous faut dans notre conduite ordinaire de palpables vérités, les grands mouvements de l’âme ont pour principe une vérité d’un autre ordre, le vrai essentiel, et cependant inaccessible dans nos voies chancelantes.

Jonquille ! violette ! tubéreuse ! vous n’avez que des instants, afin de ne pas accabler notre faiblesse, ou peut-être pour nous laisser dans l’incertitude où s’agite notre esprit, tantôt généreux, tantôt découragé. Non, je n’ai vu ni le sindrimal de Ceylan, ni le gulmikek de Perse, ni le pè-gé-hong de la Chine méridionale, mais ce serait assez de la jonquille ou du jasmin pour me faire dire que, tels que