Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/70

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ques ruines et un bassin d’eau verte qui paraît ancienne comme ces monuments. Je sors rarement sans m’arrêter un quart d’heure dans cette enceinte silencieuse. J’aime à rêver en marchant sur ces vieux pavés que l’on a tirés des carrières, pour préparer aux pieds de l’homme une surface sèche et stérile. Mais le temps et l’abandon les remettent en quelque sorte sous la terre en les recouvrant d’une couche nouvelle, et en redonnant au sol sa végétation et des teintes de son aspect naturel. Quelquefois je trouve ces pavés plus éloquents que les livres que je viens d’admirer.

Hier, en consultant l’Encyclopédie, j’ouvris le volume à un endroit que je ne cherchais pas, et je ne me rappelle pas quel était cet article ; mais il s’agissait d’un homme qui, fatigué d’agitations et de revers, se jeta dans une solitude absolue par une de ces résolutions victorieuses des obstacles, et qui font qu’on s’applaudit tous les jours d’en avoir eu une de volonté forte. L’idée de cette vie indépendante n’a rappelé à mon imagination ni les libres solitudes de l’Imaüs, ni les îles faciles de la Pacifique, ni les Alpes plus accessibles et déjà tant regrettées. Mais un souvenir distinct m’a présenté d’une manière frappante, et avec une sorte de surprise et d’inspiration, les rochers stériles et les bois de Fontainebleau.

Il faut que je vous parle davantage de ce lieu un peu étranger au milieu de nos campagnes. Vous comprendrez mieux alors comment je m’y suis fortement attaché.

Vous savez que, jeune encore, je demeurai quelques années à Paris. Les parents avec qui j’étais, malgré leur goût pour la ville, passèrent plusieurs fois le mois de septembre à la campagne chez des amis. Une année ce fut à Fontainebleau, et deux autres fois depuis nous allâmes chez ces mêmes personnes, qui demeuraient alors