simple mention de l’« armée de Mâra, » la synonymie courante entre Mâra et Namuci, supposent la préexistence d’un combat épique contre Mâra suivi de son armée démoniaque[1]. Tout cela n’est ni réaliste ni historique. Il importe peu, pour le démontrer, que l'épisode soit conté à grand renfort de détails ou rappelé seulement par une allusion décisive. Le rôle prêté à l’arbre dans l’« Illumination » de Çâkya dépasse nécessairement, au sud aussi bien qu’au nord, les bornes de la réalité. La façon toute typique dont le Mahâvagga, par exemple, parle du « bodhirukkha » serait caractéristique à elle seule. Que dire de ce nom d’« arbre de la science », et de toutes les légendes inséparables de ce nom, dont il a été le foyer dans l’Inde et ailleurs ? L’importance si marquée de l’arbre dans le culte, telle qu’elle est abondamment constatée à Bharhut, dès le iiie siècle, constitue d’ailleurs un témoignage dont on ne peut refuser de tenir compte. Le Mahâvagga, il est vrai, n’insiste pas sur les traits mythologiques de l’arbre ; en revanche, le moment d’après, il nous montre le Buddha abrité, comme Vishṇu, dans les replis du serpent fabuleux ; il nous le représente mangeant dans des vases que les Lokapâlas lui apportent du ciel. Un prodige en vaut un autre ; et ce n’est pas là, que je sache, de l’histoire authentique. Ai-je besoin d’ajouter que l’existence démontrée, pour une légende, du trait merveilleux fondamental implique la coexistence des traits merveilleux accessoires dont la convenance avec
- ↑ Le Padhânasutta du Suttanipâta (trad. Fausböll, p. 60 et suiv.) fait de l’« armée de Mâra » des applications mystiques très instructives. À coup sûr, ce ne sont pas des conceptions de ce genre qui ont pu donner naissance à l’expression. Elles permettent au contraire de mesurer combien l’époque où furent rédigés de pareils textes était déjà éloignée de la formation même de la légende.