ADOLPHE HARDY
Adolphe Hardy est un poète de clocher : il a chanté surtout le pays
d’Ardennes avec une ferveur émue et une finesse d’impression très développées.
Doué d’une sensibilité délicate et d’un grand sentiment du pittoresque,
c’est à la fois un lyrique attendri et un paysagiste aux notations
précises. Le sentiment et l’observation se marient en lui pour en faire un
poète original et sympathique.
Si la vie a blasé ton âme, approche-toi
Et regarde, à travers les roses de la haie,
Rire, au fond du jardin, la maison blanche et gaie,
Sous sa vigne en guirlande et ses nids près du toit.
Contemple. Un rayon tiède ourle d’or les corbeilles
Et l’allée, où la mousse abonde, est molle au pas.
Écoute. Une eau qui tombe accompagne tout bas
L’orchestre des oiseaux et le chœur des abeilles.
Devant la porte, au bord de la pelouse en fleur
Qu’un vieux pommier tordu tache d’une ombre ronde,
Dans l’herbe un bel enfant roule sa tête blonde…
Regarde bien, si tu cherches la paix du cœur.
Sous les feuilles filtrant l’ambre clair des lumières,
Les parents, près de lui, se penchent radieux.
Dans un bonheur si pur qu’il en devient pieux
Et qu’il brille en lueur humide à leurs paupières.
Entre leurs doigts mêlés passe un frisson très doux
Lien subtil qui noue en secret l’âme à l’âme,
Et l’époux s’attendrit, et l’épouse se pâme,
Et l’enfant amusé s’agrippe à leurs genoux.
Si l’espérance au champ de ton rêve est fauchée,
Observe, au coin du cadre exquis de ce tableau,
Ce saule à demi-mort qui repousse[2] un rameau
Et dont l’écorce creuse abrite une nichée…
Et si tu veux renaître à ton tour, si tu veux
Être un homme et goûter l’ivresse de te vivre,