Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/113

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étoit encore libre, elle épouſeroit ſon mari plutôt que lui.

Et le philoſophe voudra ſe tuer.

Et il fera une longue diſſertation pour prouver qu’on doit toujours ſe tuer lorſqu’on a perdu ſa maîtreſſe ; & ſon ami lui prouvera que la choſe n’en vaut pas la peine, & le philoſophe ne ſe tuera pas.

Et il ira faire le tour du monde, pour donner aux enfans de ſa maîtreſſe le tems de croître, & pour revenir enſuite être leur précepteur, & leur apprendre la vertu comme à leur mère.

Et il n’aura rien vu dans le tour du monde.

Et il reviendra en Europe.

Et cependant le mari de ſa maîtreſſe, qui fait toute leur intrigue, fera venir le bel ami dans ſa maiſon.

Et la femme vertueuſe ſautera à ſon cou à ſon arrivée, & le mari ſera charmé, & ils s’embraſſeront chaque jour tous les trois, & le mari leur fera de jolies plaiſanteries ſur leur aventure, & il les croira devenus raiſonnables, & ils s’aimeront toujours avec tranſport, & ils prendront plaiſir à ſe rappeler leur tendreſſe & leurs voluptés, & ils ſe ſerreront la main, & ils pleureront.

Et le bel ami étant dans un bateau ſeul avec ſa maîtreſſe, voudra la jeter dans l’eau, & ſe précipiter avec elle.