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Et ils appelleront tout cela de la philoſophie & de la vertu.

Et à force de parler philoſophie & vertu, on ne comprendra plus ce que c’eſt vertu & philoſophie.

Et la vertu, ſelon leurs maximes, ne conſiſtera plus dans la crainte & la fuite du danger ; elle conſiſtera dans le plaiſir de s’y expoſer ſans ceſſe, & la philoſophie ne ſera plus que l’art de rendre le vice intéreſſant.

Et la maîtreſſe du philoſophe aura quelques arbres & un ruiſſeau dans ſon jardin, & appellera cela ſon élyſée, & perſonne ne pourra comprendre ce que c’eſt que cet élyſée.

Et elle donnera tous les jours à manger à des moineaux dans ſon jardin ; & elle veillera ſur ſes domeſtiques mâles & femelles, pour qu’ils ne faſſent pas les mêmes ſottiſes qu’elle.

Et elle ſoupera au milieu de ſes vendangeurs, & même elle en ſera reſpectée ; & elle teillera du chanvre avec eux, ayant ſon amant à ſes côtés.

Et le philoſophe voudra teiller du chanvre le lendemain, le ſurlendemain & toute ſa vie.

Et les vendangeurs chanteront des chanſons, & le philoſophe ſera enchanté de leur mélodie, encore que ce ne ſoit pas de la muſique italienne.