Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/115

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Et elle élèvera ſes enfans avec grand ſoin, prenant garde qu’ils ne parlent jamais en compagnie, & que perſonne ne leur apprenne qu’il y a un Dieu.

Et elle ſera gourmande ; mais elle ne mangera des pois & des fèves que rarement, & dans le ſallon d’Apollon, & le tout par mortification philoſophique.

Et elle écrira cependant à ſon bel ami, qu’elle finit comme elle a commencé, c’eſt-à-dire, qu’elle l’aime avec autant de paſſion que jamais.

Et le mari enverra cette lettre à l’amant.

Et l’on ne ſaura jamais ce que l’amant eſt devenu.

Et on ne ſe ſouciera guère de le ſavoir.

Et tout le livre ſera moral, utile & honnête, puiſqu’il prouvera que les filles ſont en droit de diſpoſer de leur cœur, de leur main & de leurs ſaveurs, ſans conſulter leurs parens, & ſans aucun égard à l’inégalité des conditions.

Et que pourvu qu’elle parle toujours de vertu, il eſt inutile de la pratiquer.

Et qu’une jeune fille peut d’abord coucher avec un homme, & qu’elle doit enſuite en épouſer un autre.

Et qu’en ſe livrant au vice, il ſuffit d’avoir de tems en tems des remords pour être vertueux.