Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/12

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conſéquence : quand les mœurs publiques ſont bonnes, les fautes mêmes des mal-honnêtes gens profitent à la vertu ; mais quand les mœurs publiques ſont mauvaiſes, les fautes des honnêtes gens profitent merveilleuſement au vice.

Une réclamation contre l’abus des perſonnalités eſt donc une tâche qui s’offre maintenant à remplir pour le bien public. Il n’y a pas un moment à perdre ; le tems d’oublier les derniers écrits & ſur-tout les Confeſſions de Rouſſeau n’eſt pas encore venu ; mais celui de les cenſurer va paſſer. J’eſtime trop le repos, & connois trop mes forces, pour m’être chargé d’un tel fardeau, ſi des circonſtances particulières ne m’y avoient en quelque ſorte obligé.

Peu de tems avant la publication des Confeſſions & des Promenades de Rouſſeau, je voyageois en Suiſſe, non loin des lieux où ſe faiſoit cette dernière édition ; j’appris par hazard que dans ces écrits poſthumes, une anecdote odieuſe compromettoit l’honneur de M. Bovier, Avocat au Parlement de Grenoble ; je le connoiſſois perſonnellement, & même c’étoit à lui que je devois l’avantage d’avoir connu Rouſſeau. J’avois vu naître, pour ainſi dire, les ſoupçons & l’injuſtice du citoyen de Genève pour ſon hôte de Grenoble. Je fis alors ce que tout autre eût fait à ma place : je priai l’homme eſtimable de qui je tenois cet avis, d’engager MM. les éditeurs à ſupprimer cette injuſtice honteuſe : il me promit d’écrire & d’agir, & je ſuis aſſuré qu’il l’a fait. Cependant l’anecdote n’a point été ſupprimée ; je ne puis penſer que MM. les éditeurs aient réprouvé notre prière ;