Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/15

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avoîent à s’en plaindre, mais trop peu pour avoir à m’en plaindre moi-même. Dirai-je encore que je ſais lire avec transport les ouvrages de cet homme de génie ? Que ſerviront ces preuves d’impartialité auprès de ceux dont j’oſerai toucher l’idole ?

Les ouvrages dont il s’agit d’abord, ſont les Confeſſions de Rouſſeau, ſes Promenades & ſes Lettres. On trouve dans ces écrits, comme dans tous ceux de Rouſſeau, une foule de choſes admirables, & quelques-unes d’utiles ; mais on y trouve auſſi pluſieurs perſonnalités vraiment nuiſibles ; & c’étoit ſans contredit aſſez pour ſupprimer ces dernières productions, du moins en grande partie. Que ſi l’on répond que ces perſonnalités ſont l’ouvrage même, & que, dans ce cas, ſupprimer une partie, c’eſt anéantir le tout, j’oſe répliquer que tout honnête homme eût accepté ſans balancer ce dernier parti, ces ouvrages fuſſent-ils d’ailleurs mille fois plus beaux & plus utiles. N’oublions jamais que la première loi de la ſocieté eſt de ne point nuire, & la ſeconde d’être utile.

Mais à qui nuiſent donc ces écrits de Rouſſeau ? Je réponds qu’ils nuiſent certainement aux perſonnes qu’ils cenſurent, & peut-être même à celles qu’ils louent ; ils nuiſent aux perſonnes qu’ils font deviner ; ils nuiſent à celles qu’ils menacent ; ils nuiſent enfin par l’exemple offert à la méchanceté, de la main même d’un homme honoré comme ſage.

Quand il ſeroit permis (ce qui ne l’eſt jamais) d’admettre dans le jugement des écrits qui tiennent à la morale la compenſation du bien & du mal, où