Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’une d’elles, adreſſée à M. le Prince de Conti, ne lui eſt point parvenue, quoiqu’il l’eût miſe, dit-il, à la poſte lui-même, & il ajoute : Mes ennemis auront beau faire : je me ris de leurs machines qu’ils entaſſent ſans ceſſe autour de moi ; elles s’écrouleront par leur propre maſſe, & le cri de la vérité percera le ciel tôt ou tard. Il ſeroit curieux aſſurément de connoître ces machiniſtes auſſi mépriſables que maladroits, qui s’en alloient ſuſciter contre Rouſſeau jusques dans un creux des Alpes un miſérable ouvrier chamoiſeur, calomniateur au reſte, ſi mal choiſi, ſi mal exercé, qu’il lâche le pied au premier choc, & ſe trouble à la première contradiction. L’on connoît dans les gouvernemens anciens & modernes, des trames de conjurations longues, hardies & difficiles ; mais de mémoire d’homme, il n’en fut jamais de pareille à celle que Rouſſeau imaginoit contre lui : car elle ſuppoſoit à-la-fois le chef-d’œuvre de l’intrigue & le comble de la bêtiſe.

Ces malheureuſes idées que Rouſſeau emporta de tous les lieux où il jeta les yeux & poſa le pied, il les a gardées jusqu’au tombeau en les conſacrant, ce qui eſt presque irréparable, dans des écrits que ſon nom ſeul peut faire durer toujours. C’eſt ainſi que le nom de M. Bovier ſe trouve gravé en deux lignes comme ſur le marbre & ſur l’airain.

Que veux-je conclure de tout ceci ? Que Rouſſeau a menti dans la petite anecdote de ſon empoiſonnement ? Non, mais qu’il s’eſt miſérablement trompé lui-même. Ce qui détermine le caractère & le vrai ſens du propos de M. Bovier (ſi toutefois il l’a tenu préciſément comme il eſt rapporté,) ce qui peut en