Page:Servan - Réflexions sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1783.djvu/82

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cela, quelques perſonnes ſe récrient, & déclarent cet acte inhumain, tandis que Rouſſeau le juſtifie comme prudent. Voilà un procès entr’eux, un point de morale à diſcuter ; mais où eſt la calomnie ? Où ſont les libelles atroces ? De bonne foi, ſi Monſieur de Voltaire, par exemple, eût fait quelque choſe d’approchant, l’eût-on autant ménagé, & n’entendrions-nous pas tous les jours encore dix mille trompettes profanes & ſacrées ſonner l’opprobre, du Vatican à Moſcou ?

Rouſſeau, dans le cours de ſa vie agitée par lui-même, a eu pluſieurs amis, pluſieurs patrons : preſque toujours, on le voit commencer avec eux par l’encenſoir, & finir par les ſoufflets. [1] Sur ces procédés,

  1. Ce ſingulier contraſte m’a beaucoup frappé dans la liaiſon de Rouſſeau avec M. le Paſteur Ver***. Il parut en 1764 une brochure de quelques pages, ſous ce titre : Lettre de M. le Paſteur Ver *** à M. J. J. Rouſſeau, avec les réponſes, Dans ces Lettres M. Ver*** ſe plaint d’être calomnié par Rouſſeau, & déploie ſa juſtification avec la franchiſe & la fierté qui conviennent à l’homme ſenſible & innocent. On retrouve dans les réponſes de Rouſſeau l’invincible tenacité de ſon ame ombrageuſe, & ce fier laconiſme qui inſulte par tout ce qu’il ne dit pas. Voilà la fin de leur commerce : j’ai été bien-étonné d’en voir le commencement dans quelques lettres de Rouſſeau à M. Ver*** (que je crois le même,) pleines de chaleur, de confiance & d’amitié. Que conclure ? Sinon que Rouſſeau étoit inſociable & viſionnaire ; qu’en général, tout homme qui criant l’erreur ou l’injuſtice, doit apporter beaucoup d’attention en liſant ce qu’il dit ſur les choſes, & beaucoup d’incrédulité en liſant ce qu’il dit des perſonnes ; quence