Page:Servières - Richard Wagner jugé en France, 1887.djvu/120

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parti de ces allures[1]. Quant à Berlioz, jaloux du tour de faveur donné à Tannhœuser, il écumait.

« Je traversais par hasard, avec mon père, écrit Mme J. Gautier[2], le passage de l’Opéra le soir de cette représentation, pendant un entr’acte ; le passage était plein de monde. Un monsieur qui vint saluer mon père nous arrêta. C’était un personnage assez petit, maigre, avec des joues creuses, un nez d’aigle, un grand front et des yeux très vifs. Il se mit à parler de la représentation à laquelle il assistait, avec une violence haineuse, une joie si féroce de voir l’insuccès s’affirmer que, poussée par un sentiment involontaire, je sortis tout à coup du mutisme et de la réserve que mon âge m’imposait, pour m’écrier, avec une impertinence incroyable :

— À vous entendre, monsieur, on devine tout de suite qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre et que vous parlez d’un confrère.

— Eh bien ! qu’est-ce qui te prend, méchante gamine ? dit mon père qui voulait gronder, mais qui, en dessous, riait.

— Qui est-ce ? demandai-je quand le monsieur fut parti.

— Hector Berlioz[3]. »

  1. Wagner, du reste, a fort maltraité dans ses écrits l’auteur de Faust.
  2. Wagner et son œuvre poétique depuis Rienzi jusqu’à Parsifal, par Judith Gautier, 1 vol. in-16, 1882, Charavay.
  3. Cette fureur de Berlioz est confirmée par le ton de ses lettres qui laissent percer une animosité croissante, débordant enfin après la première de Tannhœuser. V. Correspondance inédite.