Page:Servières - Richard Wagner jugé en France, 1887.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus caractérisé que la pièce satirique très anodine dont si violemment s’émeut leur courroux. Mais, à en croire les sous-Delpits de la presse, on dirait que c’est à Wagner que nous devons imputer l’annexion de l’Alsace-Lorraine !

Au reste, faisons notre examen de conscience. Nous nous plaignons très vivement d’avoir été tournés en ridicule par ce piètre Aristophane germain. En vérité, sommes-nous donc sans reproche à l’égard des Allemands ? — Avec notre sublime ignorance des langues étrangères, n’avons-nous pas, pendant près d’un siècle, ri de la naïve, sentimentale et philosophique Allemagne, des vertueuses et sensibles Gretchens, d’Hermann et Dorothée, du vergiss hein niche, du moi et du non-moi, de l’objectif et du subjectif ? Nos vaudevillistes, nos échotiers de journal, nos amuseurs vulgaires nous ont-ils assez souvent divertis aux dépens des buveurs de bière, avec l’accent tudesque, le bœuf à la gelée de groseilles et la choucroute nationale ! Ces plaisanteries étaient donc bien drôles pour égayer le peuple le plus spirituel de la terre ! Après avoir eu le temps d’en apprécier le sel, les Allemands se sont avisés de nous rendre la pareille. Quoi d’étonnant à cela ?

La guerre venue, les mangeurs de choucroute envahissent la France, battent ses armées à plate couture, forcent Paris à capituler. Il y avait, je pense, de quoi inspirer un certain respect aux railleurs et couper court aux moqueries surannées ! Nous voilà tout d’un coup rejetés à l’excès contraire.