Page:Servières - Richard Wagner jugé en France, 1887.djvu/23

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dique abonnement, de le distribuer, comme l’eau et le gaz, à tous les quartiers de Paris !

Il y a dix ans, le patriotisme s’exprimait, au théâtre, en tirades belliqueuses, dans des drames médiocres où des allusions poétiques exaltaient l’héroïsme des vaincus, se débitait en librairie sous forme de pamphlets anti-allemands dont on s’arrachait les éditions sans vérifier les dires de l’auteur. En 1871, après la représentation à l’Opéra d’Érostrate qui fut, comme on sait, joué pour la première fois à Bade en 1862, on reprochait à M. Reyer d’avoir dédié sa partition à la reine Augusta et, en retour de cet hommage, d’avoir osé accepter une décoration prussienne. Par la suite, on a su persuader aux Parisiens que la haine de Wagner est le commencement de la revanche. Enfin, et malgré les efforts contraires des esprits impartiaux, une cabale de presse est parvenue à empêcher M. Carvalho de représenter Lohengrin. Il y a des gens pour lesquels cette mise en interdit d’un chef-d’œuvre musical vaut une victoire ; pour eux, la France est vengée, puisque Wagner n’a pu forcer les portes d’un théâtre subventionné.

Vit-on jamais, dites-moi, plus lamentable aberration que cette intrusion voulue dans une question d’art d’un patriotisme de commande for-