Page:Servières - Richard Wagner jugé en France, 1887.djvu/25

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ment d’un régime protecteur. De même que nos industriels voudraient interdire aux producteurs étrangers l’accès du marché français, nos compositeurs s’arrogeraient volontiers le monopole de fournisseurs patentés de nos théâtres lyriques. Il leur semblerait tout naturel d’écarter les œuvres de leur redoutable rival par une mesure analogue au règlement qui prohibe l’importation de médicaments de fabrication étrangère. Un malade confiant en l’efficacité d’une drogue anglaise ou belge, n’a pas en effet le droit de se la procurer sans avoir obtenu l’avis favorable de l’École de pharmacie. Ainsi, les apothicaires français ayant seuls licence d’ « amollir, humecter et rafraîchir les entrailles » de messieurs leurs compatriotes, les compositeurs français se réserveraient à leur tour le privilège de charmer nos oreilles. Et cette prétention de nos musiciens n’est même pas neuve ! Déjà, en 1823, « quand Rossini vint à Paris, se rendant à Londres, l’Académie des Beaux-Arts, ayant eu l’idée de profiter de son passage pour le nommer associé étranger, les membres de la section de musique s’opposèrent à cette élection qui fut votée d’acclamation par les peintres et les architectes[1]. »

  1. Voir Paris dilettante au commencement du siècle, par M. Ad. Jullien, I vol. in-16 illustré, chez Firmin-Didot.