Page:Servières - Tannhæuser à l’Opéra en 1861, 1895.djvu/127

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vrages d’esthétique dont les Allemands eux-mêmes n’avaient pas saisi toute la portée.

Au demeurant, tous les écrits du temps et ceux de Wagner lui-même, sont d’accord sur ce point que le public français, en général, a montré beaucoup de courtoisie et d’impartialité. Il a apprécié et applaudi les morceaux conçus dans les formes traditionnelles de l’opéra. Le reste, rebutant ses oreilles routinières, lui a semblé ennuyeux. Si l’immoralité apparente de ce dénouement où l’on voit Tannhaeuser retourner à Vénus, tandis qu’Elisabeth meurt abandonnée, offusqua les gens graves, rien ne parut plus drôle au public des premières que ces troubadours en maillot abricot célébrant sur la harpe l’amour platonique et s’enquérant de son essence. Aussi bien, le symbolisme de la légende allemande, familier aux compatriotes de Henri Heine, ne pouvait être compris des Parisiens et, comme l’observe justement M. Paul Lindau, « la vraie cause de la chute fut la transplantation d’une plante germanique sur le sol gaulois[1] ».

  1. Éd. Schelle (voir Tannhæuser à Paris et la troisième guerre musicale) est d’accord là-dessus avec M. Paul Lindau. Le sujet de Tannhæuser par lui-même ne pouvait plaire aux Français, et c’est par le manque de liens intellectuels et par l’antipathie des races qu’il explique la froideur du public pour les légendes allemandes et pour le poème de Wagner. Douze ans plus tard, lorsque