Page:Servières - Tannhæuser à l’Opéra en 1861, 1895.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 124 —

Aujourd’hui, la situation est toute différente. La France est beaucoup moins ignorante des choses de l’Allemagne qu’elle ne l’était il y a trente ans ; son esprit est bien plus ouvert aux influences étrangères. Enfin Wagner a dompté par son génie toutes les résistances, et l’enthousiasme tardif du public français n’en est que plus chaleureux. Seulement il va, par mode, surtout aux œuvres de la dernière manière et beaucoup de snobs wagnériens croient encore pouvoir répudier Tannhæuser comme une partition de style italien.

    Tannhæuser fut monté à Bruxelles et joué (le 20 février 1873) au théâtre de la Monnaie, plusieurs journalistes de Paris avaient fait le voyage. Si la musique fut par eux appréciée avec plus de mesure et de bienveillance qu’elle ne l’avait été par la presse de 1861, le sens du poème fut encore peu compris, même par Armand Gouzien, qui citait cependant la légende de Heine (Courrier de France du 25 février 1873.)

    Seul, M. Ad. Jullien, tout en commettant sur la mort d’Elisabeth une erreur qu’il a eu le tort de ne pas rectifier dans son grand ouvrage biographique, osait prendre la défense du poème : « Ce drame est d’un caractère élevé, surhumain, presque mystique… Les pensées mêmes et les sujets de ces poèmes élèvent l’âme au lieu de rabaisser l’esprit sur les choses purement terrestres… Quand vous aurez réfléchi à ces précieuses qualités, dites s’il faut tant le bafouer pour avoir choisi de préférence des sujets légendaires. » (Français du 28 février 1873.)