Page:Servières - Tannhæuser à l’Opéra en 1861, 1895.djvu/23

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correspondre à la fameuse note, sans cesser néanmoins d’avoir le sens commun ; lui debout, allant, venant, l’œil ardent, le geste furieux, tapant sur son piano au passage, chantant, criant, et me disant toujours : Allez, allez ! — À midi, une heure quelquefois, et souvent deux heures, épuisé, mourant de faim, je laissais tomber ma plume et me sentais sur le point de m’évanouir. — « Qu’avez-vous ? » me disait Wagner, tout surpris. — « Hélas ! j’ai faim… » — « Oh ! c’est juste, je n’y songeais pas. Eh bien, mangeons un morceau, vite, et continuons. » — On mangeait donc un morceau, vite, et le soir venait et nous surprenait encore, moi anéanti, abruti, la tête en feu, la fièvre aux tempes, à moitié fou de cette poursuite insensée à la recherche des syllabes les plus baroques, et lui, toujours debout, aussi frais qu’à la première heure, allant, venant, tapotant son infernal piano et finissant par m’épouvanter de cette grande ombre crochue qui dansait autour de moi aux reflets fantastiques de la lampe, et qui me criait comme un personnage d’Hoffmann : — « Allez toujours, allez ! » en me cornant aux oreilles des mots cabalistiques et des notes de l’autre monde. »

Le récit de M. Sardou est très bien mis en scène, mais il paraît légèrement exagéré. D’après les pièces mêmes d’un