Aller au contenu

Page:Sevestre - Cyranette, 1920.djvu/163

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
161
CYRANETTE

l’air de penser que je ne l’ai pas volé et qu’une autre fois je ne recommencerai plus. En ce cas, elle s’abuse étrangement, Gerty. Je recommencerai si je veux et ce n’est ni elle, ni ses rappels à l’ordre qui m’en retiendront. L’ennui est que la saison des bains est passée et que, même moins souffrante, je ne retournerai pas à Brighton, clouée ici par notre nouveau deuil et par le temps qui est affreux.

« Ah, Nise, nous qui, en Savoie, avons de si beaux automnes, si clairs, si ensoleillés ; dont les hivers mêmes, une fois les neiges tombées, sont si secs et si propices au skating ou au toboggan, quel changement quand, de ma chambre où je suis encore consignée pour je ne sais combien de jours, de semaines ou de mois, j’entrevois, à travers des baies sinistres — nos fenêtres sont à guillotine et jouent comme des couperets — ce pan de ciel morne ouvert sur nos têtes comme une écluse ?

« La pluie ne cesse de jour ni de nuit. Elle a commencé au lendemain de l’enterrement et dure encore à l’heure que je t’écris. Eh bien, ils doivent être jolis, les ruisseaux de Robert ! Elles peuvent s’en payer, des cabrioles, ses truites ! Et ce serait tout à fait le moment de nous rendre bras dessus, bras dessous, lui et moi, par les sentes discrètes, au petit oratoire caché sous la charmille comme un nid du bon Dieu !

« Au moins, chez nous, ma Nise, quand il pleut, on en est quitte pour une bonne averse, comme la fois où nous étions allés sans toi à Aiguebelette et au col du Crucifix. L’orage arrive. Gare là-dessous ! On se met à l’abri dans un bouchon quelconque. Le vent se lève. Les nuages déguerpissent. Coucou ! c’est fini. Tandis que dans le Devon, quand on croit que c’est fini, ça recommence et quand ça recommence, ah ! ma chère, ce n’est pas fini !

« Mais, vas-tu dire, ça doit avoir son charme à la veillée. Oui, à condition d’être bien portante et