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CYRANETTE

jamais ouvrir la bouche avant qu’on ne lui ait adressé la parole, et ne répondant, d’ailleurs, que par monosyllabes.

— Vous devriez le faire observer au facteur.

— Bien, madame.

— Mais ce n’est peut-être pas sa faute, à ce brave homme. C’est sans doute la poste qui marche mal. Qu’en pensez-vous, Mary ?

— Je ne sais pas, madame.

— À moins que ce ne soit la pluie qui l’arrête en route, réfléchit Liette. Il ne doit pas être à la fête tous les jours quand il fait sa tournée. Comment peut-il y tenir, Mary ?

— Je ne sais pas, madame.

Liette hoche la tête. La voilà bien renseignée !

— Sois sage, Pat… Mr. Wellstone ne veut pas que nous fassions les fous, tant que je serai patraque… Mary !

— Madame ?

— Vous pouvez vous retirer, ma fille. Si j’ai des lettres au courrier, vous me les monterez tout de suite. Les journaux aussi. Les journaux français, s’entend, car les autres… Mais ils arrivent bien irrégulièrement, les journaux français, et avec des retards épouvantables… Ah ! cette guerre, Mary, cette guerre, quand finira-t-elle ?

— Je ne sais pas, madame.

— Espérons que ce sera bientôt. Les Bulgares ont capitulé. Les Autrichiens sont en pleine déroute. Seuls, les Boches tiennent encore, mais on les aura, Mary, on les aura… Vous avez un frère aux armées, m’avez-vous dit ?

— Non, madame.

— C’est juste. Je confonds avec Flora. Vous, Mary, vous y avez votre « boy », n’est-ce pas ?

— Non, madame.

— Ah ! oui, c’est Dora. Vous, Mary, vous n’y avez qu’un cousin ?

— Oui, madame.