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CYRANETTE

— Un caporal, je crois ?

— Oui, madame.

— Il est venu jusqu’à Oak Grove lors de sa dernière permission ?

— Oui, madame.

— Vous devez bien l’aimer, ce brave cousin ?

— Oui, madame.

— Mais pas d’amour ?

— Non, madame.

— Tant mieux pour vous, ma fille. L’amour, voyez-vous, ça risquerait de vous mener trop loin. J’en sais quelque chose, moi qui ai quitté la France pour l’Angleterre, la Savoie pour le Devon, Chambéry pour Sidmouth et la rue Nézin pour Oak Grove… Vous n’êtes jamais allée en France, Mary ?

— Non, madame.

— Cela vous fera plaisir d’y venir avec moi ?

— Je ne sais pas, madame.

Liette part d’un éclat de rire qui fait aboyer Pat et met au front de la maid un pli soucieux. Elle craint que sa maîtresse ne se moque d’elle et, toute militaire qu’elle est dans l’âme, comme le caporal son cousin, elle a le sens de sa « respectability », ainsi qu’il sied d’une chambrière de bonne et pure race britannique. Très digne, elle insiste à dessein :

— Non, je ne sais pas, madame. Je ne crois pas, madame. Je…

— Mais si, mais si, vous verrez ! pouffe Liette de plus belle. Je vous présenterai à Agathe, la terreur de M. le curé. Elle ne sait jamais non plus, elle. Asinus asinum fricat. Vous vous entendrez très bien toutes les deux.

Et Mary, qui n’y a rien compris, s’en va de son pas de gendarme, que Liette rit encore en embrassant Pat, dressé sur le bras de son fauteuil.

— Quel numéro, cette Mary !… C’est pourtant vrai qu’il faudra que je la présente à Agathe. Mademoiselle Agathe Routin, gouvernante en chef de M. le curé de Maché… Miss Mary Broomstaff,