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CYRANETTE

— Rien, madame.

— Vraiment ? Vous ne dormiez pas ?

— Non, madame.

Liette n’en est pas très convaincue malgré ses dénégations. Mais elle a mieux à faire que de tancer Mary et elle s’empare avidement des deux lettres qui sont sur le plateau, deux lettres de France, à l’écriture familière, une de Nise, une de M. le curé.

Nise lui écrit de Chambéry, à la date du 6 novembre 1918 :


« Ma bien chère sœur,

« Puisque tu te languis tant de nous et que l’état de la santé ne te permet pas d’affronter les fatigues du voyage, papa et maman me chargent de te dire qu’ils feront l’impossible pour l’aller voir en Angleterre aussitôt que l’on ne se battra plus. Or les derniers communiqués ont si fière allure que cette échéance, désirée de tous, paraît imminente. On assure que les Allemands lâchent pied sur toute la ligne et que, s’ils veulent éviter un désastre, un immense Sedan, ils n’ont plus un jour à perdre pour implorer la paix. Puisse-t-il en être ainsi ! Il est temps que ces affreuses boucheries prennent fin, que nos pauvres et braves soldats recueillent le bénéfice de leur vaillance et que leurs familles cessent de trembler pour eux.

« Je voudrais bien accompagner papa et maman et serais infiniment heureuse de répondre ainsi à ton invitation, ma chère petite. Mais ne compte pas trop sur moi. Je suis assez souffrante moi-même et, quoiqu’il n’y ait pas lieu de s’inquiéter à mon sujet, peut-être vaut-il mieux que je reste à la maison. Aucune décision n’est encore prise pour ou contre. Tout dépendra de mon degré de solidité. Quel que soit mon désir de nous retrouver un peu ensemble, tu comprends bien en effet qu’il ne serait pas raisonnable de m’exposer à tomber malade comme toi… »