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CYRANETTE

première camériste du manoir d’Oak Grove — que dis-tu de ça, mon Pat ? N’est-ce pas que cela fera très bien dans le tableau ?

Un accès de toux interrompt brutalement la petite folle qui, de pale devenue rouge, et les larmes aux yeux, repousse le cocker, cherche son mouchoir et, ne le trouvant pas, appuie sur la poire de la sonnette électrique volante qui pend du plafond à portée de sa main.

Reparaît Mary.

— Un mouchoir, ma fille, dit Liette.

Et, après le mouchoir :

— J’ai les bronches en feu. Donnez-moi vite une tasse de tisane.

Et, la tisane apportée :

— Dieu que c’est amer, ce lichen ! Je n’en veux plus, vous entendez, Mary ?

— Oui, madame.

— Désormais vous ne me ferez que des infusions de mauves.

— Oui, madame.

— Allez, ma fille, et pensez à mon courrier.

Ainsi se passent les matinées de la jeune Mrs Wellstone à Oak Grove. Et ses après-midi n’en diffèrent guère, sauf en plus « saumâtre », car le courrier lui est généralement d’une grande distraction et le facteur n’en fait qu’une distribution par jour.

Certain matin qu’elle se morfondait dans son attente, le regard tendu sur la grande allée d’où il débouche nécessairement, elle le voit qui arrive à pas mesurés, comme un homme que rien ne presse. Oh ! la lenteur des minutes qui s’écoulent entre cette apparition et le moment où Mary lui apporte le plateau traditionnel ! Elle se tortille sur sa bergère, la tête tournée vers la porte qui tarde tant à s’ouvrir. Enfin, voici la maid, moins pressée encore que le facteur et qu’elle a déjà sonnée deux ou trois fois.

— Eh bien, Mary, que faisiez-vous ?