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CYRANETTE

cause de Robert. Mais si j’éloigne Robert de moi, elle pourra venir sans inconvénient, je présume. Oui, mais, comment éloigner Robert ?

Cette autre réflexion coupe l’inspiration à Liette.

— Mary ! Mary !

— Madame ?

— Décidément, je ne me sens pas capable de répondre à ces lettres aujourd’hui. Remettez-moi dans ma bergère, ma fille… Et puis jetez donc une bûche dans la cheminée. Ce n’est pas le bois qui manque à Oak Grove et, moi, je n’ai pas chaud.

Dehors, la tempête mugit et bouscule la chênaie ; les averses cognent aux vitres et le grand feu qui brule jour et nuit dans la chambre de la convalescente n’y maintient une température assez douce qu’autant qu’il donne toute sa flamme.

Voyant que sa maîtresse n’est pas d’humeur à jouer, Pat va se coucher sur la dalle du foyer, entre les sphynx hiératiques des landiers monumentaux qui l’encadrent. Et Liette, derechef esseulée, se console comme elle peut.

— Éloigner Robert, non, je n’en ai pas le moyen… Enfin, tant pis !… Si Nise reste à la maison, tant pis pour moi. Je ne l’aurai pas volé et c’est plus que je ne mérite si papa et maman se décident à venir… Mais quand viendront-ils ? Mettons qu’il faille huit ou dix jours pour les formalités. Je pense bien qu’il n’en faudra pas davantage. Mais ce délai ne courra qu’à partir de l’armistice, a l’air de dire M. le curé. Voyons un peu… Mary !… Allons bon, elle est redescendue (nouveau coup de sonnette)… Il ne faut pas vous sauver comme cela, ma fille, sans savoir si je n’ai plus besoin de vous… Qu’est-ce que je voulais vous demander déjà ? Je ne me rappelle plus, tenez, vous me faites perdre la tête… Ah oui… les journaux ! Il n’y en avait pas au courrier ?

— Non, madame.

— Pas même de journaux anglais ?

— Si, madame.