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CYRANETTE

légèreté et un peu aussi par vanité. Mais j’ai besoin de votre pardon comme de celui de Nise, mon cher ami. Je ne puis m’en aller sans l’assurance que vous me serez indulgents tous les deux et que mon souvenir ne vous abreuvera pas d’amertume. Non, Robert ! Je ne puis partir ainsi, sans avoir au moins l’espoir que le mal que j’ai fait involontairement, mais fait tout de même, n’est pas irréparable et qu’il sera réparé un jour.

Et avec exaltation :

— Songez-y ! Puis-je comparaître devant Dieu avec cette tache sur la conscience ? Denise vous aime. Dans sa timidité, elle a fait un secret de cet amour. Dans sa modestie, elle s’est effacée devant moi. Dans sa bonté et son abnégation, elle s’est sacrifiée tout entière, et c’est miracle qu’elle ait survécu à ce sacrifice, M. le curé vous le dira comme moi. Et qui plus est, vous n’avez jamais cessé de l’aimer, vous, Robert. C’est elle que vous aviez découverte, elle, l’âme tendre et sûre à qui vous rêviez obscurément. Moi je n’étais que la marionnette qui vous faisait peur et l’impression que j’avais produite sur vous n’était pas trompeuse, comme vous en veniez à le penser sur la foi de notre correspondance. Les belles lettres que vous receviez n’étaient pas de moi. Elles étaient de Nise et toutes imprégnées de son esprit, de son âme et de son cœur. C’est Nise qui vous apparaissait à travers elles si différente du jugement que vous aviez porté sur moi. Vous ne m’aviez nullement devinée, nullement comprise comme vous l’imaginiez, mais vous l’aviez très bien devinée, très bien comprise, elle. Et de votre propre aveu — car j’ai bonne mémoire, Robert, — c’est ce qui a dissipé le doute que vous aviez à mon sujet. C’est pourquoi, mon pauvre ami, qui me connaissiez si peu, il n’y eut plus en vous que de la joie et de l’amour et vous en vîntes à m’écrire que vous m’aimiez ardemment, passionnément, de toutes vos forces, pour la vie.